VICENTE ROJO, ET LA LUMIÈRE FUT


Vicente Rojo photographié par Manuel Álvarez Bravo en 1976

"Au Mexique, j'ai découvert la lumière,
la couleur et, le plus important, la liberté."


Pas de site officiel, peu d'articles ou de blogs lui sont consacrés,
 Vicente Rojo est un graphiste de l'ombre (comme beaucoup n'est-ce pas?). Pourtant ses quarante ans d'activités ont laissé une trace très large dans le paysage graphique mexicain. Une utilisation généreuse des pictogrammes, un maniement rigoureux de la typographie et la clarté de ses mises en page très géométriques ont influencé une génération dediseñadores mexicanos et ont fait de lui une référence incontournable du graphisme mexicain. Voici un grand article pour un grand coup de coeur.

PARCOURS
Né en 1932 à Barcelone, il étudie le dessin, la céramique et la sculpture de quatorze à dix-sept ans et ses passions sont le football et le cinéma. En 1949, pendant la guerre civile en Espagne, il rejoint son père, réfugié politique à Mexico City depuis alors dix ans à cause de la persécution franquiste. Il est tout de suite frappé par la luminosité, la terre étant plus proche du soleil en ce point par rapport à l'Europe, le rayonnement y est aveuglant. Vicente parle de renaissance, il tombe immédiatement amoureux du Mexique et de sa capitale. Il devient l'assistant de Miguel Prieto, peintre et graphiste espagnol qui s'est lui aussi exilé à Mexico, c'est avec lui que Vicente va bâtir les fondements d'une belle carrière. Il travaille pour deux suppléments culturels aux éditions de l'INBA (Instituto Nacional de Bellas Artes). Il est nommé chef en 53 et directeur artistique du département design graphique en 61.Sa première exposition artistique en 1958 s'intitule Guerre et Paix, il y représente ses fortes préoccupations politico-sociales. A partir de 1964, il se consacre à l'exploration des formes géométriques avec une ambition purement plastique et comme seuls outils la matière et la couleur. En 1968, il conçoit le design des Discos visuales de Octavio Paz, quatre poèmes-objets à lire en mouvement. Il réalisera aussi avec ce dernier le livre-malette intitulé Marcel Duchamp qui combine contenu littéraire et recherche esthétique avec une forme énigmatique.




le livre-malette Marcel Duchamp et les Discos visuales de Octavio Paz


OEUVRE
Cofondateur et directeur artistique de six magazines:
→La Cultura en México (supplément de
 Siempre!)
→México en la Cultura (supplément de
 Novedades)
→Artes de México
→Bellas Artes
→Revista de la Universidad de México
→Artes Visuales











Conception du design de cinq magazines:

→Diálogos
La Gazeta du Fondo de Cultura Económica
→Imágenes
→Revista de Bellas Artes
→México en el Arte



Couvertures pour livres scolaires, économiques,
artistiques et littéraires:




couverture de La Palabra Magica de Augusto Monterroso (1983)


Identité graphique pour divers organismes et entreprises
espagnols et mexicains dont:

→les compagnies cinématographiques Teleproducciones y Producciones Barbachano Ponce
→la Galería Juan Martín
→l'hommage national "Tamayo 70"
→le musée José Luis Cuevas
→la participation du Mexique à la Fête Internationale du Livre à Francfort


  
Editions Multiarte (1975), Directores Asociados (1972), l'hommage national au peintre Rufino Tamayo (1987)


Création de caractères pour:
→la revue
 Plural
→les librairies du Fondo de Cultura Económica






typographies pour la revue Plural (1971), et le Fondo Cultural Económica (1971)


divers:












L'ANECDOTE
L'oeuvre de Duchamp qui figure sur cette couverture est exposée au Musée d'Art de Philadelphie et on ne peut la contempler qu'à travers le trou d'une serrure à côté de laquelle il est écrit qu'il est interdit de photographier. Fernando Samprietro, jeune peintre et écrivain mexicain n'en tint pas compte et pris une photographie, il l'apporta à Rojo pour qu'il la mette en couverture d'une nouvelle édition de Aparencia Desnuda de Octavio Paz. Rojo accepta de passer outre la volonté de Duchamp "dans un acte duchampien" selon lui. Ce fut la première fois que l'oeuvre apparut reproduite.




VICENTE ROJO VU PAR...

José Emilio Pacheco (Écrivain, poète, essayiste et scénariste mexicain)
"Il a fait les couvertures de presque tous mes livres. Ou plutôt j'ai écrit presque tous mes livres pour qu'il en fasse la couverture."
"S'il y a bien une chose que Vicente Rojo et le journalisme m'ont appris c'est que le travail d'hier n'a aucune importance, il faut recommencer, tout réinventer chaque jour."
"Chacune de ses oeuvres est un objet esthétique et une source de plaisir qui nie quelques instants la laideur sans limite qui nous entoure partout dans la capitale la plus horrible du monde."

José Luis Cuevas (Peintre, muraliste, graveur, sculpteur et illustrateur mexicain, il a participé à la naissance de l'art moderne au Mexique)
Il rencontre Vicente Rojo pour la première fois dans le bureau réservé à l'équipe de graphistes du supplément culturel de Novedades, México en la Cultura, le meilleur supplément culturel en Amérique latine selon lui.
"Vicente Rojo, les bras légèrement relevés, réfléchissait devant un panneau en carton. Il composait une page. Il attendait que son esprit lui dicte où mettre telle et telle image. Ses doigts s'agitaient nerveusement comme des ailes qui s'apprêtent à décoller. (...) Vicente Rojo a levé les yeux et m'a regardé. Je me suis senti comme une de ces images ou lettres qu'il déplaçait comme dans une partie d'échecs et j'ai pensé qu'il avançait vers moi pour me placer de manière à respecter l'équilibre de la composition."
José Luis Cuevas reconnaît Rojo comme un des peintres les plus brillants de sa génération.

Felipe Covarrubias (Graphic designer mexicain)
"Les critiques ont considérés Rojo comme le graphiste qui, sans activité pédagogique spécifique, a influencé les graphistes en quête de style qui connaissaient et qui ont étudié son travail."



sources: 
La Jornada SemanalCentro Virtual Cervantes, Vicente Rojo Diseño gráfico (éditions ERA, 1990)
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